Les débuts de mon expérience à UNODC Bangkok: “The Brides” et la radicalisation des femmes indonésiennes

Anne Gabrielle Ducharme


Les débuts de mon expérience à UNODC Bangkok: “The Brides” et la radicalisation des femmes indonésiennes

Anne Gabrielle Ducharme

Les premières semaines de mon stage au bureau régional de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC) basé à Bangkok se sont rapidement écoulées. Travaillant avec l’équipe affairée à la prévention du terrorisme, j’ai tout récemment eu l’occasion d’assister à la diffusion du film « The Brides » à l’ambassade Australienne en Thaïlande. Voici quelques mots sur la projection qui avait pour thème la radicalisation des femmes en Indonésie, et sur la discussion avec le réalisateur Noor Huda Ismail qui en suivit.

Le rôle grandissant des femmes dans la perpétration d’actes terroristes attire de plus en plus l’attention, tant au sein des sphères médiatiques que académiques. Cela n’a rien de surprenant: des attaques récentes revendiquées par l’État Islamique ont été commises par des femmes, parfois même accompagnées de leurs enfants, venant ainsi drastiquement changer notre conception de l’attentat terroriste per excellentiam.

Noor Huda Ismail, entre autres à la tête du Institute for International Peace Building in Indonesia, tente dans son dernier film de faire la lumière sur le processus qui mène ces femmes à emprunter un si sombre chemin.

Ika 

On nous présente d’abord la jeune Ika, alors que cette dernière purge une peine de prison pour financement d’activités terroristes. Sa rencontre nous éclaire rapidement quant au choix du titre du documentaire (The Brides, les mariées). C’est en effet lorsque basée à Hong Kong, où la jeune Indonésienne travaille comme femme de chambre, qu’Ika épouse un homme impliqué au sein d’une institution enseignant des préceptes islamistes. Précisons que c’est derrière son écran d’ordinateur, et surtout loin de ses proches, qu’Ika fait la rencontre de son éventuel époux.

Dian

La deuxième rencontre se fait avec (la tout aussi jeune) Dian. Avant d’être arrêtée en raison d’amaliyah (activités terroristes sur le terrain), Dian travaillait elle aussi loin de chez elle comme femme de chambre afin de subvenir aux besoins de sa famille, à qui elle envoyait dûment une portion de son maigre salaire. Les préliminaires à son mariage avec un membre d’une organisation terroriste se déroulèrent également par l’entremise de claviers. Tout comme dans le cas d’Ika, c’est par ennui que Dian se tourne vers les réseaux sociaux afin de trouver l’âme sœur.


Comme tout le monde

À la suite de la projection, le réalisateur, qui complète un doctorat à l’Université Monash en Australie, nous fait à la blague un aveu : “je suis sur l’application de rencontre Tinder”. Il poursuit en élaborant sur le besoin de tout un chacun d’être accompagné. Détendant soudainement l’atmosphère, Ismail atteint également son but, c’est-à-dire d’humaniser les deux prisonnières dépeintes dans son court film. Sans les excuser, le réalisateur nous partage ses conclusions : « Elles travaillent loin de chez elles, et comme tous les jeunes de leur âge, cherchent quelqu’un avec qui fonder une famille. Comme tout le monde, elle cherche à éviter la solitude, et c’est en se tournant vers les réseaux sociaux qu’elles y parviennent».

À travers « The Brides », Ismail nous éclaire quant au processus de radicalisation de certaines femmes indonésiennes. En plus d’un contexte socio-économique précaire, la solitude et le sentiment d’aliénation qui envahit des travailleurs migrants lorsque loin de leur communauté formeraient ainsi les fondements de la dénommée « trajectoire djihadiste ». Un phénomène, donc, dont même la quête d’amour est une facette.